Au 5ème étage de la faculté de droit… Titre mystérieux pour un roman policier qui réunit tout ce que vous attendez d’un polar, avec ce plus indéniable que La Grèce Autrement ne pouvait ignorer : l’auteur, Grec, vous embarque tout droit à Athènes dans le monde universitaire Grec, univers peu connu et très particulier. Premier indice : Le 5ème étage de la faculté de droit, c’est le domaine de la criminologie… toute une promesse ! Deuxième indice : Son auteur, Christos Markogiannakis est avocat, criminologue, et écrivain !

Christos nous a fait le plaisir d’accepter de nous rencontrer et de nous parler de son roman policier, mais aussi de lui et de sa vie de Grec à Paris. Rendez-vous est pris par un bel après-midi d’automne dans un café parisien.

[LGA] Pouvez-vous rapidement vous présenter et notamment nous parler de ce qui vous a amené à la fois en France et à la littérature ?

[CM] Quand j’ai eu 30 ans, j’ai décidé de changer ma vie. Je travaillais comme avocat pénaliste en Crète dans un cabinet familial et à 30 ans je me suis dit que c’était le moment, sinon je ferai la même chose pour le reste de ma vie. Il fallait choisir entre Londres et Paris. Londres était le choix le plus évident car je parlais très bien anglais, et pas du tout le français. Mais entre les deux villes, mon amour pour la France et Paris a gagné, même si je ne parlais pas la langue. J’ai pris le risque, avec pour prétexte mes travaux de recherche pour un doctorat en criminologie et je n’ai pas regretté !

Christos Markogiannakis, avocat, criminologue et... écrivain !

Christos Markogiannakis, avocat, criminologue et… écrivain !

[LGA] Comment avez-vous développé votre amour pour la France ?

[CM] Je me suis installé à Paris en 2011 mais mon amour pour la France était né progressivement depuis 2002, car j’y venais 2 ou 3 fois par an. J’adorais cette ville et ce pays, mais j’entretenais donc comme une relation occasionnelle, alors je me suis dit « pourquoi pas voir si cette relation d’amour occasionnelle peut devenir une relation stable ? ». Et ca a fonctionné ! Cela fait 7 ans et je me sens chez moi ici en France. C’est grâce à Paris que je suis devenu ce que j’ai toujours rêvé d’être : un écrivain, et c’est grâce à la France que je continue à faire ce que j’aime et je l’espère pour toujours.

[LGA] Pourquoi les romans policiers ? 

[CM] J’ai grandi dans une famille d’avocats pénalistes, alors les crimes étaient omniprésents. En même temps, les premières lectures dont je me souvienne sont les romans d’Agatha Christie. J’aime les romans policiers, les « whodunit ? » à l’ancienne,  j’aime Patricia Highsmith, j’aime Margaret Millar et bien entendu Agatha Christie, la reine ! Mes livres policiers sont ainsi un hommage à ces auteurs. Je voulais donc écrire des romans policiers à la fois comme fan mais aussi comme un criminologue aurait aimé en lire. En effet, parfois, on lit des romans policiers qui ne passe pas le test de la lecture. Le criminologue les lit et conclut à l’irréalisme du roman. Alors j’ai fait appel à mes connaissances et expériences de criminologue et d’avocat pénaliste et je les ai mises dans cette série de polar dont le premier est « Au 5ème étage de la faculté de droit ».

[LGA] Vous avez une formation d’avocat pénaliste et criminologue ce qui clairement vous donne aisance et réussite dans l’écriture de romans policiers. Pourquoi prenez-vous autant de plaisir dans ce genre de littérature et y’a-t-il d’autres styles littéraires que vous souhaiteriez aborder ?

[CM] Pour moi, la psychologie humaine est toujours le noyau d’un texte. Soit la psychologie criminelle dans un roman policier, soit la psychologie en général, et on passe alors à ce que certains appellent la littérature blanche si on souhaite la distinguer [de la littérature policière]. Mais selon moi il est inutile de distinguer : il y a uniquement des livres bien écrits et des livres mal écrits dans les deux genres. J’écris aussi des livres qui mélangent l’art et le crime, ce qui exprime mon coté artistique. Mais pour moi le roman policier pose la question qui est la plus importante, la question qui a été posée par toutes les religions, par tous les philosophes : « Qui est à l’origine ? », « Qui est à l’origine de la création du monde ?, « Qui est à l’origine des actions humaines ? » Et pour moi c’est donc « Qui est à l’origine d’un crime ? »

C’est pourquoi je me sens très bien dans ce genre littéraire. D’ailleurs, même si j’ai des idées de livre en dehors des romans policiers, qui répondraient donc à leur propres règles, puisque chaque genre à ses règles strictes, il y a toujours un crime dans mes projets littéraire. Donc si j’écris un jour un livre qui n’est pas un roman policier, ce sera autour d’un crime.

J’aimerais ajouter que, selon moi, un bon livre policier doit suivre la définition d’Aristote sur la tragédie : il faut qu’il nous amène vers la catharsis par la crainte et la pitié. Et c’est cela que j’essaie de faire avec mes romans. Beaucoup de gens pensent que le premier whodunit occidental c’est « Double assassinat dans la rue morgue » d’Edgar Alan Poe en 1841. Pour moi, le premier c’est plutôt « Œdipe Roi » de Sophocle, car on a tous les éléments d’un vrai roman de ce genre. On a un meurtre qui n’est pas élucidé, on a des suspects, on a des indices qui nous amènent vers plusieurs personnages, on a le détective qui est Œdipe lui-même et enfin à la fin on a le grand dénouement spectaculaire qui est que c’est le détective lui-même, Œdipe, qui est le meurtrier !

[LGA] Quelques mots sur votre roman « Au 5ème étage de la faculté de droit » pour inciter les lecteurs de notre blog amoureux de la Grèce à se précipiter chez leur libraire ?

[CM] C’est un roman policier à l’ancienne, c’est-à-dire que ce n’est pas violent, il n’y a pas trop de sang et on est concentré sur l’intrigue, les personnages, leur psychologie et la psychologie d’une élite Grecque pendant la crise. On est au 5ème étage de la faculté de droit d’Athènes, qui est le département de criminologie. On a un double meurtre. Et un policier Grec de 35 ans cherche à trouver qui est le coupable parmi les professeurs, les étudiants et les membres de l’administration de ce département.

Je dis souvent que l’intrigue se passe à Athènes, mais si certains attendent d’y découvrir la Grèce de leurs vacances estivales avec le soleil, la plage, les souvlakis et la moussaka, ce n’est pas un livre pour eux. C’est un livre qui se concentre sur l’intrigue et aussi sur une réalité Grecque, celle du système universitaire Grec pendant cette période de la crise. En même temps on voit aussi le mobile et le pourquoi quelqu’un devient un criminel. Ainsi on se pose plusieurs questions : des questions de criminologie, mais aussi la question de savoir si le crime parfait existe et enfin « est-ce qu’un criminologue peut être un criminel parfait » ?

[LGA] Pourquoi situer l’intrigue dans ce monde universitaire Grec, si particulier ?

[CM] J’ai voulu écrire un livre sur un milieu qui est peu connu, le monde universitaire et particulièrement un monde vraiment méconnu et particulier : l’université Grecque. Je pouvais bien entendu m’appuyer sur mes expériences universitaires, et notamment mes années à la faculté de droit d’Athènes. J’ai construit sur cette base des personnages et une intrigue qui permet aussi de faire connaitre ce milieu qui est même peu connu des lecteurs Grecs et encore moins des lecteurs Français.

[LGA] Tout au long du roman on sent, on vit en toile de fond la Grèce et l’Athènes de cette décennie de crise. Comment jugez-vous aujourd’hui votre pays au moment où il vient de sortir du Mémorandum (*) ?

[CM] La première chose à dire est que, oui la Grèce est sortie du Mémorandum, mais cela ne veut pas dire que la Grèce est sortie de la crise. Aujourd’hui, j’observe la Grèce avec mon éloignement géographique et une distance de regard et, malheureusement, ce qui m’attriste c’est que je constate depuis 3-4 ans que les choses vont de mal en pis pour les classes moyennes et les professionnels libéraux qui sont les forces créatrices du pays. Alors j’espère que cela va changer bientôt, car cette idée selon laquelle la crise serait terminée est fausse. En réalité, on parle d’une crise économique, politique, sociale et morale. On discerne très bien les conséquences de cette crise au travers de la psychologie des protagonistes de mon livre. L’intrigue se situe d’ailleurs en hiver, et je pense qu’on peut aussi parler d’un hiver sociétal pour la Grèce. Mais après l’hiver, toujours le printemps puis l’été arrivent, et j’espère vraiment qu’il y aura enfin un beau printemps et un bel été Grec.

[LGA] On ne peut pas lire le livre sans imaginer, souhaiter une adaptation de votre roman au cinéma ou au théâtre ? Y avez-vous pensé ?

[CM] La plus belle critique pour un roman policier c’est lorsqu’en le lisant, le lecteur créé des images, voit les personnages, construit les lieux dans son esprit. Alors oui, pourquoi en effet ne pas exprimer ces pensées et ces images au travers de vrais personnages et des images. On est ainsi avec une amie qui travaille depuis des années comme scénariste en France et à l’étranger sur un scenario qui serait l’adaptation de mon roman. Alors espérons qu’il y aura des producteurs et des metteurs en scène qui seront intéressés pour transposer cette histoire à l’écran. Ce serait un film néo-noir, policier, avec un grand jeu de lumière. Car dans ce livre la lumière est particulièrement importante. On le comprend dès la couverture puis, dès le début du livre, on commence dans l’obscurité au sens propre du terme, et on termine le livre en sortant à la lumière avec l’élucidation du crime en deux phases, une phase officielle et une phase réelle. Ainsi, la dernière chose que l’on voit, c’est le policier qui sort en pleine lumière après avoir élucidé ce crime inédit en Grèce.

[LGA] On mesure en lisant vos livres l’importance des recherches en amont, qu’en est-il exactement ?

[CM] Pour le premier livre d’art, « Scènes de crime au Louvre » qui est sorti en 2017, cela m’avait pris 3 ans de recherches. Ce n’est pas un livre de fiction. C’est vraiment 30 enquêtes policières sur 30 œuvres qui se trouvent au musée du Louvre. Je voulais donc chercher et trouver la vérité, si on peut parler d’une vérité mythologique, biblique ou même historique. Pour les romans policiers, je fais toujours une recherche, car comme je suis criminologue, je ne peux pas écrire n’importe quoi et dois donc avoir les bonnes sources pour expliquer et raconter une histoire. Cela me prend donc un an pour écrire et corriger un roman policier. La différence avec les livres d’art est que ma seule contrainte, c’est l’imagination. Dans les livres d’art, comme je dois interpréter de ma propre façon ce qu’a fait l’artiste, cela prend plus de temps, et je ne suis pas 100% libre comme lorsque j’écris les romans policiers. Il faut en effet respecter la liberté de la représentation de l’artiste, la source initiale et, entre les deux, je dois trouver l’équilibre pour exprimer mes propres sentiments et points de vue.

[LGA] Quelques mots sur votre prochain livre « criminartistique » qui sortira début Octobre ?

[CM] Mon prochain livre s’intitule « Scènes de crime à Orsay« . C’est la suite de « Scènes de crime au Louvre », et c’est donc de nouveau un livre qui mélange le crime et l’art. J’ai sélectionné une trentaine d’œuvres à Orsay et, de cette ancienne gare, avec le lecteur, on part pour un voyage dans l’enfer du crime. Je suis le Virgile qui amène les lecteurs parmi les meurtriers, les victimes, et on cherche toujours à partir de chaque œuvre la vérité parmi des tueuses en série, des cannibales, des parricides, des matricides, etc..

Le nouveau livre de Christos Markogiannakis, Scènes de crime à Orsay

[LGA] Et quand reverrons-nous Christoforos Markou, l’enquêteur de « Au 5ème étage de la faculté de droit » ?

[CM] Vous retrouverez ce personnage récurrent de mes livres policiers dans un nouveau roman qui sortira en 2020. On n’est plus dans le milieu universitaire [mais dans un tout autre univers] : le show-business Grec. On enquête alors sur la mort d’une grande chanteuse Grecque sur scène pendant son concert d’adieu.

[LGA] Depuis 7 ans vous vivez à Paris, comment mixez-vous votre identité Grecque et Française ?

[CM] Cela ne me pose aucun problème. Je me sens vraiment comme un Grec qui vit en France, comme un Européen, comme un cosmopolite au sens exact du mot Grec : un citoyen du monde. De mon point de vue il n’y a pas de ville plus cosmopolite que Paris et je vis ici comme j’aime et j’y suis chez moi.

[LGA] Pour finir, une question franco-grecque : Qu’est ce qui constitue pour vous une journée parfaite à Paris ? Et une journée parfaite à Athènes ?

[CM] Pour moi, la journée parfaite est la même que je sois à Paris, à Athènes, à Londres ou à New York. J’ai le besoin de créer, le besoin d’écrire, donc j’écris tous les jours. Si je suis à Paris, je sors de chez moi pour prendre un café avec un livre dans un petit bistrot du centre, je me promène. Je me sens vraiment épanoui entouré de cette beauté, de cette lumière et de cette esthétique parisienne. Et si je suis à Athènes, je sors pour prendre un café et j’écris par exemple sur la place Agia Irini, ou je vois des amis. Dans les deux villes, je visite des musées. A Paris, il y a beaucoup de musées que j’adore avec bien entendu le Louvre et Orsay. A Athènes, je fais la même chose, même si lorsqu’il fait beau on n’a pas besoin d’aller au musée, on se sent dans une ville qui mixe de façon assez équilibrée à la fois la fierté de son passé et son mode de vie contemporain. Donc la journée parfaite à Paris comme à Athènes c’est la création, voir des amis et profiter de chaque instant et de l’esthétisme.

Nous espérons que vous avez pris autant de plaisir que nous à partager ce moment privilégié avec Christos ! L’automne est là, et avec lui les envies de lecture. Quoi de plus relaxant que de s’installer confortablement au chaud avec un thé ou un chocolat bien chaud pour dévorer un excellent roman policier que vous finirez pas ne pas vouloir lâcher ? Vous trouverez les liens vers les romans de Christos ci-dessous. Le tout dernier, Scènes de crimes à Orsay, est sorti ce Jeudi 11 Octobre. Foncez ! 

Je trouve le livre sur 
Au 5ème étage de la fac de droit ICI
Scènes de crime au Louvre ICI
Scènes de crime à Orsay ICI

 

Pour suivre l’actualité de Christos Markogiannakis, rendez-vous sur son site web !

(*) Plan d’aide financier de l’Union Européenne  et du FMI et mise sous tutelle par les organismes internationaux.