Serifos (Σέριφος) est une île des Cyclades, située à l’ouest de l’archipel entre les îles de Kea et Sifnos. De petite taille (78 km2), elle est peu habitée et ne compte aujourd’hui qu’environ 1500 habitants.
L’île est connue dans la mythologie Grecque pour avoir été le lieu où Danaé et son fils Persée trouvèrent refuge chez un pêcheur nommé Dictys. Le roi de Serifos, Polydectès, envoya Persée tuer Méduse espérant qu’il y trouverait la mort. Mais vainqueur de son combat contre la gorgone à la chevelure de serpents, Persée revint avec la tête de Méduse et changea en pierre le roi de Serifos, dont le trône revint alors au pêcheur Dictys.
L’île est aujourd’hui une destination authentique, proche du continent, mais au fort caractère insulaire. Elle reste peu construite et offre parmi les plus belles plages de l’archipel. La Chora, capitale de l’île, est construite sur un promontoire qui permettait autrefois aux habitants de se protéger des attaques maritimes. Les dominations Byzantine, puis Vénitienne et Ottomane ont laissé des traces remarquables. Fondé près du village de Galani, en 1572, le monastère des Taxiarques, consacré aux archanges Michel et Gabriel est typique de l’architecture monastique insulaire. Jadis prospère, le monastère ne compte plus aujourd’hui qu’un seul moine. La Chora offre dès son entrée les caractéristiques d’un village cycladique : une rangée de moulins sur la crête, des maisons entortillées autour de ruelles conduisant à une place centrale où trône une mairie d’une riche architecture néo-classique contrastant avec les maisons simples des alentours. Au sommet du promontoire subsistent encore les ruines d’un kastro Vénitien colonisé par la végétation. Des constructions et des chapelles se sont petit à petit approprié les anciennes murailles.
Les côtes de Serifos offrent des plages aux eaux turquoise ou émeraude. Le riche patrimoine géologique de l’île compte en effet des roches aux couleurs variées qui, selon les plages, décident de la couleur du sable et des eaux de baignade. En parcourant la côte, vous serez certainement étonnés de découvrir régulièrement des ruines industrielles témoignant du riche passé minier de l’île. Les plus impressionnantes se situent au village et près de la plage de Megalo Livadi qui fut le siège il y a aujourd’hui cent ans d’un événement Grec très connu.
Serifos est en effet renommée depuis l’antiquité pour la richesse en fer de son sous-sol. Cependant, les dominations Vénitienne puis Ottomane firent disparaître totalement l’exploitation sidérurgique sur l’île. Ce n’est qu’après l’indépendance de la Grèce, suite à la révolution de 1821 contre les Ottomans, que le jeune état Hellène décide de promouvoir les investissements étrangers et relance l’exploitation du fer sur l’île. Cette décision provoque une forte mutation économique et sociale pour les 2000 habitants de Sérifos dont l’activité était uniquement tournée vers l’agriculture et la pêche.
En 1880, la première entreprise à capitaux Grecs qui s’y était installé laisse la place à une nouvelle société à capitaux Français et Grecs. En 1885, celle-ci est cédée à une famille Allemande, la famille Grohmann, qui l’exploitera jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale. De 1885 à 1910, la production double, tout comme la population de l’île, l’activité minière attirant de nombreux travailleurs des autres îles cycladiques qui n’avaient que la pêche et l’agriculture pour survivre. Les conditions de travail sont extrêmement difficiles, aggravées par les fortes chaleurs l’été. En 1914, les prix mondiaux du fer s’écroulent. La direction impose alors aux mineurs des réductions de salaires, une augmentation de la productivité et des licenciements massifs. Cela conduit les mineurs à s’organiser en syndicat pour réclamer une amélioration des conditions de travail, mais ils ne parviennent à rien obtenir.
Fin Juillet 1916, les travailleurs, menés par leur leader Speras, décident de bloquer le chargement en fer et le départ de bateaux. La gendarmerie locale demande l’aide d’Athènes qui, le 21 Août 1916, envoie un détachement de 12 gendarmes. Sitôt débarqués, les gendarmes ouvrent le feu sur les grévistes faisant 4 morts. Les autres insurgés se mettent aussitôt à lancer des pierres et donner des coups de bâtons aux gendarmes faisant là aussi 4 morts dans les rangs des forces de l’ordre. Gendarmes et grévistes étant rapidement débordés, ils parviennent d’un commun accord à arrêter le mouvement de foule et font revenir le calme.
Cependant les grévistes n’abandonnent pas leurs revendications et se rendent à la capitale de l’île, occupent la mairie et demandent officiellement la protection des navires militaires Français qui croisent non loin de Serifos, aux abords de l’île de Milos. Symboliquement, ils hissent le drapeau tricolore sur le kastro. Le 23 Août, deux navires Français accostent à Serifos, demandent que le drapeau Français soit retiré du kastro et proposent aux deux parties une conciliation. Le 25 Août, les Français se retirent et, dès le lendemain, un navire militaire Grec débarque des soldats sur l’île. Certains grévistes sont arrêtés et emprisonnés sur l’île de Syros. Il faudra un an de discussions avant de parvenir à un accord qui permettra d’améliorer les conditions de travail des mineurs.
Aujourd’hui, dans le village de Mega Livadi à Serifos, on trouve encore des ruines témoignant du passé sidérurgique de l’île : chemin de fer minier, wagonnets figés par la rouille, quais de chargement, anciens bureaux de la mine, et bien entendu un monument rappelant les événements tragiques du 21 Août 1916.
Découvrir Serifos vous permet à la fois de vous pencher sur l’histoire de la Grèce moderne mais aussi de vous imprégner de l’atmosphère d’une île cycladique authentique où l’on prend le temps de vivre et où les distances courtes permettent de profiter de plages désertes, de petits ports isolés, mais aussi de la vie d’une Chora où tout le monde se retrouve le matin pour ses occupations quotidiennes et le soir pour profiter des tavernes et cafés.
Longtemps délaissée, Serifos mérite définitivement le détour !
Cet article a été écrit par La Grèce Autrement et est paru dans le magazine bilingue franco-grec AB (Actualité Bilingue) en Octobre 2016. Il avait à cette occasion été traduit en Grec moderne. La publication était accompagné de 2 bandes sons, l’une en Français et l’autre en Grec, offrant par là-même un magnifique outil d’apprentissage de la langue Grecque.