Le mot Démocratie, δημοκρατία, vient du grec Δήμος (demos), le peuple, et de κράτος (kratos), le pouvoir. Mais nous devons à la Grèce bien plus que l’étymologie de ce système et principe politique qui nous paraît aujourd’hui comme naturel.

La Grèce Autrement vous propose aujourd’hui de partager avec vous les origines et lieux emblématiques d’un des plus beaux héritages de la Grèce Antique. Embarquez avec nous pour un voyage dans le temps et dans les lieux emblématiques d’Athènes qui virent la naissance de la démocratie.

Commençons bien entendu par l’affirmer clairement : la démocratie antique était différente de nos versions contemporaines, mais ses bases, ses grands principes et surtout sa pratique ont bien été inventés et appliqués par les Grecs de l’Antiquité. De plus, il ne faut pas imaginer l’invention de la démocratie comme la découverte d’un vaccin ou d’un trésor à un instant t, mais comme un processus qui connut de grandes avancées, des pauses, des retours en arrière, des expérimentations, des corrections et qui, progressivement, aboutit à la constitution d’un système à part entière.

Commençons notre voyage par les différentes étapes de l’invention de la démocratie en Grèce.

Vue panoramique depuis l'aéropage à Athènes

Vue panoramique depuis l’aéropage à Athènes

Au 7ème siècle avant notre ère, la ville d’Athènes constitue avec les autres villes et villages de la région de l’Attique une cité-Etat et, en 683 avant JC, une république aristocratique est mise en place. Les dirigeants (les archons) sont alors désignés pour un an mais choisis systématiquement dans les mêmes familles dirigeantes. Une lente dérive s’installe alors avec la volonté des familles d’avoir systématiquement un de leurs représentants dans les dirigeants désignés de l’Etat. De plus, on parle alors de désignation et non pas d’élection. La tentation est alors grande pour les familles de passer entre elles des accords de désignation réciproque.

Près de 100 ans plus tard, en 594 avant JC, Solon met en place des réformes sociales et politiques importantes. Il met notamment en place des cours de justice dans lesquelles les jurés et les juges sont choisis parmi l’ensemble des citoyens. La démocratie s’invente donc dans un premier temps dans le domaine judiciaire plutôt que dans le domaine exécutif ou législatif.

Jusqu’à l’aube du siècle d’or, le siècle de Périclès, le 5ème siècle avant notre ère, une succession de tyrans gouverne la cité Etat. Le terme de tyran n’a pas la même signification que celle qu’on lui donne aujourd’hui. En effet, à l’époque, le mot désignait  la façon dont on se hissait à la tête de la cité et non pas la manière dont on exerçait le pouvoir. Ainsi les tyrans Peistratis ou Hippias s’emparèrent du pouvoir par la force puis respectèrent les règles préexistantes de la cité. Ils tombèrent néanmoins rapidement dans la dérive de vouloir mettre en place une dynastie de dirigeants.

A partir de 507 avant notre ère, la démocratie avance rapidement : une constitution est écrite, le principe d’élections par tirage au sort est mis en place ainsi que la possibilité de voter l’ostracisme de dirigeants ou de citoyens dont on considère qu’ils ne se servent plus les intérêts de la cité.

En 487 avant JC, les plus haut dirigeants, les archons, autrefois désignés, puis élus, sont désormais simplement tirés au sort. Moins de 25 ans plus tard, à partir de 462 avant JC, souffle un nouveau vent de réformes démocratiques sous l’impulsion de Périclès et Ephialtès. Les pouvoirs des deux cours de l’aréopage et des archons sont transférés à une assemblée de 500 citoyens (la Boulée) et à la cour des droits des citoyens. Les membres, tous tirés au sort, sont alors rémunérés, permettant ainsi à tout citoyen d’abandonner son activité professionnelle pour siéger sans crainte d’un manque de revenu pour sa famille. Ce système facilite l’accession à ces fonctions de citoyens commerçants, artisans ou marins jusqu’à présent découragés pécuniairement de devenir des professionnels de la vie publique.

La partie Ouest de l'agora à Athènes où se trouvait la Boulée

La partie Ouest de l’agora à Athènes où se trouvait la Boulée

En 431 avant JC commencent les guerres du Péloponnèse opposant Athènes et Sparte. Dans la célèbre oraison funèbre qu’il prononce au cimetière de Keramikos et que rapporte Thucydide, le grand Périclès déclare que tout citoyen Athénien qui ne participe pas à la vie de la cité et à l’animation de sa démocratie est inutile.

En 406 avant JC, Socrate devient membre de la Boulée pour un an. Moins de trois ans plus tard la démocratie Athénienne est renversée par un groupe de 30 tyrans. Thrasybule regroupe alors les pro-démocrates et marche sur Athènes et le Pirée et parvient à rétablir la démocratie.  Mais deux ans plus tard, Athènes et la ligue de Delos perdent la guerre contre Sparte et, même si la démocratie ne disparaît pas totalement, elle est en net recul. Est votée néanmoins en –336 à Athènes une loi qui permet de disculper toute personne qui tuerait un individu s’apprêtant  à remettre en cause la démocratie et à confisquer le pouvoir. La démocratie recule malgré tout avec le pouvoir autocratique des macédoniens Philippe II puis Alexandre le Grand.

En 306 avant JC, une démocratie du niveau de celle de Périclès est rétablie par Poliorketes. Elle persistera jusqu’à la défaite des Grecs face aux Romains qui conquièrent la riche citée de Corinthe en -146 et font de la Grèce une province Romaine administrée depuis Rome.

Attardons nous un instant sur deux aspects majeurs de la démocratie Athénienne qui peuvent encore étonner aujourd’hui : le tirage au sort des conseillers et le principe de l’ostracisme.

Le tirage au sort devait permettre une égalité des chances et aussi lutter contre le clientélisme, la corruption, l’intimidation. Pour renforcer cela, il fut aussi rapidement décidé de ne permettre des mandats que d’un an tant pour les membres de l’assemblée des citoyens, que pour les dirigeants de l’agora ou encore les jurés des cours de justice. Une seule exception existait à cette règle : un mandat de 4 ans était octroyé aux administrateurs et organisateurs des jeux ou festivals tels que les grandes Panathénées qui ne se produisaient que tous les 4 ans. Enfin, pour que le tirage au sort soit incontestable, on inventa une ingénieuse machine  mécanique, le kleroterion, qui permettait un tirage au sort avec 100% de hasard. Au moment du vote, de fins tickets en bronze portant les initiales des citoyens déjà tirés au sort au cours d’une sorte de premier tour étaient insérés dans les nombreuses fentes de la machine. On insérait alors dans la machine des boules noires et blanches qui passaient au travers d’un mécanisme complexe et désignaient les citoyens (boule blanche) et rejetaient les autres (boule noire). On peut encore admirer à l’Agora d’Athènes cette machine à tirage au sort datant de 2500 ans !

Agora d'Athènes

L’Agora d’Athènes où l’on peut admirer le kleroterion

L’ostracisme tire son origine de όστρακα  (ostraca) qui désigne une coquille ou un tesson de poterie sur lequel les citoyens Athéniens, lors d’un vote, pouvaient inscrire le nom d’un dirigeant, d’un leader d’opinion, d’une personne influente de la citée qu’ils considéraient comme dangereux pour la cité et la démocratie et ainsi le bannir pour 10 ans. Thémistocle, glorieux vainqueur de la bataille de Salamine contre les perses, fut ainsi ostracisé en -472 ! Notons que le terme nous a donné dans la langue Française un synonyme du bannissement.

Clôturons ce rapide voyage dans les siècles qui marquèrent la naissance de la démocratie en parcourant quelques lieux emblématiques de la démocratie à Athènes.

La Boulée de l’agora
Le bâtiment qui abritait la Boulée, le Boulevterion, se trouvait au Nord-Ouest de l’Acropole côté Ouest de l’agora dont il était le bâtiment le plus important. Dans ses murs se réunissait le conseil des 500. Les 50 membres tirés au sort dans chacune des 10 tributs de la région de l’Attique se réunissaient pour voter des textes qui seraient ensuite présentés à l’assemblée du peuple qui se réunissait tous les 10 jours. Les membres siégeaient pour un un an et la présidence du conseil (la pretanie) était tournante chaque mois.

La Pnyx et l’ekklesia
Sur la colline de la Pnyx à l’Ouest de l’Acropole se dressait un amphithéâtre où siégeait l’ekklesia, l’assemblée populaire des citoyens qui examinait les textes préparés et transmis par la Boulée et prononçait ou non leur adoption. La décision finale se faisait par un vote à main levée à la majorité simple.

Les propylées vus de l'aéropage

Les propylées vus de l’aéropage

L’Aréopage
Le haut rocher le plus proche de l’Acropole dominant l’agora et faisant face aux propylées de l’Acropole était le lieu où se réunissait le conseil qui gouvernait la cité avant les réformes du 5ème siècle et la création de la Boulée. Il devint alors une cour suprême de justice, dernier niveau d’appel des procédures judiciaires, mais aussi organe de contrôle et sauvegarde de la démocratie. Les membres de cette cour suprême étaient désignés à vie.

Le Parthénon
Le plus grand et le plus fameux des temples de l’acropole d’Athènes était dédiée à la déesse Athéna, protectrice de la cité. Le lieu était par ailleurs une véritable exposition de sculptures pour enseigner et transmettre des messages puissants au peuple, visiteurs ou opposants. En effet, les frises et les métopes font la part belle à la représentation des citoyens et citoyennes d’Athènes dans différentes scènes figurant leur participation à la vie de la cité.

Le théâtre de Dionysos
Aux pieds de l’acropole, côté Sud, le grand théâtre de Dionysos fut construit au 5ème siècle avant notre ère. Dans ces lieux la démocratie s’exprimait au travers des tragédies et des comédies. En effet, dès le départ, les œuvres jouées devant 17 000 spectateurs n’étaient pas seulement des récits héroïques mettant en scène les conquêtes ou dieux de l’Olympe. On y jouait aussi des comédies satiriques critiquant directement les frustrations et difficultés de la vie quotidienne ou les défauts des leaders politiques de la cité. Dans ce théâtre, Aristophane et d’autres critiquèrent par leurs œuvres certains dirigeants de la cité, dont le populiste Cléon, ou firent une satire acerbe des défauts des Athéniens et de leur leaders.

Théâtre de Dyonisos à Athènes

Le théâtre de Dyonisos

A l’issu de ce voyage dans l’histoire et les hauts lieux de la démocratie Athénienne, on mesure très clairement l’héritage considérable que ce long processus et les réformes du siècle d’or de Périclès nous ont légué. Aujourd’hui, tous les systèmes démocratiques reprennent tout ou partie des systèmes mis en place autrefois par la démocratie Athénienne.