Cet article est le troisième et dernier volet de notre série estivale consacrée à Kos. Nous nous penchons cette fois-ci sur l’histoire agitée de l’île, dont témoignent la diversité et la richesse de l’architecture de sa capitale.

Kos fut tour à tour habitée par les Grecs, les Romains, les Chevaliers de Saint-Jean, les Ottomans et les Italiens. Les vicissitudes de l’histoire ont fait que l’île de Kos ne fait partie du territoire Grec que depuis moins de 70 ans, tout comme les onze autres îles de l’archipel du Dodécanèse (‘Dodekanisia’ en grec formé des mots  ‘dodeka’ signifiant 12 et ‘nisi’ signifiant île).

Une simple promenade piétonne au cœur de la cité vous fera traverser 2500 ans d’histoire au travers de monuments variés à l’architecture soignée. Leur construction s’étale de -366 pour l’agora Grecque à 1937 pour la sous-préfecture construite par l’occupant Italien en pur style éclectique typique des années 30.

A plusieurs endroits de la ville, vous pouvez embrasser d’un seul coup d’œil cette diversité historique et balayer du regard une mosquée, un temple antique, des murailles moyenâgeuses et un bâtiment art-déco Italien !

Comme souvent, les bâtisseurs et reconstructeurs ont utilisé le matériel trouvé sur place. Une mosquée peut ainsi incorporer dans son minaret un morceau de frise antique, une muraille moyenâgeuse aura comme soubassement quelques tronçons de colonnes romaines, une église byzantine utilisera les chapiteaux corinthiens ou ioniques « prélevés » dans l’agora Grecque. Tout cela témoigne d’une architecture riche et innovante. Chaque style est à la fois typique de son temps, mais chaque monument conserve le lien avec le passé.

Au débouché de la forteresse des chevaliers, vous parviendrez sur la place du platane sous lequel Hippocrate enseignait la médecine. La place est dominée par le minaret de l’imposante mosquée Lotzia, tandis qu’en arrière plan surgissent les colonnes de l’agora Grecque et que le chemin partant côté Est longe le Palais du Gouvernement Italien des années 30 en direction du hammam Ottoman … Des promenades envoûtantes et enthousiasmantes pour qui aime l’histoire et l’architecture !

On trouve des traces de présence humaine dès le néolithique et il semble que Kos fut la première île habitée du Dodécanèse. En 2000 avant J-C, les Minoens installèrent un centre de commerce important à l’emplacement de la ville et du port actuel. En 700 avant J-C, Kos participe avec 5 autres villes Doriennes à une confédération de Cités-Etat associant Rhodes et des villes de la côte Anatolienne. En -546, les Perses s’emparent de l’île. De -478 à -366, Kos est alternativement en conflit avec Athènes et Sparte. C’est pendant cette période que voit le jour l’homme le plus célèbre de Kos : Hippocrate.

La mosquée Lotzkia et le platane sous lequel enseignait Hippocrate

En -366, la nouvelle ville de Kos est construite avec tous les attributs qui témoignent  d’une citée Grecque florissante : théâtre, stade, agora (marché et lieu de commerce où se traitent des affaires en tout genre). L’agora Grecque est encore visible aujourd’hui au centre de la ville. Comme souvent, le lieu a longtemps servi de carrière de pierre mais il en reste néanmoins quelques vestiges intéressants. A la même époque, la puissance de Kos se manifeste dans la construction du sanctuaire et centre de santé dédié au dieu Asclépios.

À partir de -332, Kos tombe sous l’influence de la Macédoine et de l’empire d’Alexandre le Grand mais à la mort du jeune empereur, elle passe sous domination Egyptienne et connaît un nouveau développement économique grâce à sa flotte de bateaux robustes et rapides.

Elle passe ensuite sous occupation Romaine et le grand tremblement de terre de -143 conduit les Romains à entièrement reconstruire la ville. Un nouveau plan de ville est dessiné, une nouvelle agora sort de terre à quelques centaines de mètres de l’agora Grecque, un nouveau théâtre est érigé et on crée de toute pièce un nouveau quartier résidentiel. On peut encore aujourd’hui visiter le théâtre romain, mais aussi une villa romaine de ce quartier aristocratique. La villa a été entièrement préservée jusqu’à 2m du sol et reconstruite pour le reste  en utilisant au maximum les pierres, colonnes, marbres retrouvés sur place. L’ensemble permet de mesurer le niveau de vie incroyable d’une partie de la population, la villa bénéficiant de l’eau courante et du chauffage !

La chute de Rome et deux puissants séismes laissèrent Kos exsangue et livrée aux invasions barbares (les Vandales et les Wisigoths) au 5ème et 6ème siècle. Petit à petit, une communauté Chrétienne se développe mais l’île ne retrouve pas la puissance qui était la sienne dans l’antiquité. Il faut attendre le début du 14ème siècle pour que l’île retrouve une activité intense suite à sa conquête en 1314 par les Chevaliers de Saint-Jean. Ils décident immédiatement de fortifier la ville et le port tout en dotant ce lieu stratégique faisant face à l’Anatolie d’une immense forteresse qui leur assurera domination et sécurité pour plus de deux siècles. Encore aujourd’hui, la forteresse des chevaliers est incontournable pour tout visiteur de la ville. Ses murailles se dressent fièrement entre le port intérieur et la pleine mer et la fameuse avenue des palmiers entoure le pont d’accès à l’intérieur du château.

L’île ne passe aux mains des ottomans que 70 ans  après la chute de Constantinople. À partir de 1523, la Sublime Porte occupe l’île mais la défend assez mal entraînant ainsi de nombreux raids de conquête des Vénitiens, Génois, etc. A partir du 18ème siècle, les Ottomans, qui ont compris l’intérêt stratégique de la localisation du port de Kos pour surveiller le commerce le long de l’Anatolie, décident de développer de nouveau la ville et son port. De la période Ottomane la ville de Kos conserve encore deux belles mosquées et des bains / hammam extrêmement bien conservés. Malheureusement, le séisme de Juillet 2017 a endommagé la mosquée Defterdar dont le minaret s’est écroulé.

En 1912, alors que la guerre entre les Italiens et les Turcs fait rage en Afrique du Nord (Libye, Ethiopie), les Italiens déplacent les affrontements plus près des côtes Turques. Les troupes Italiennes débarquent à Astypalea puis à Rhodes et s’emparent du Dodécanèse. L’accord secret de Londres en 1915 rapprochant l’Italie de l’Entente Franco-Anglaise confirme l’attribution de l’archipel aux Italiens, et ainsi ni le traité de Sèvre en 1920, ni celui de Lausanne en 1923, ne reviendront sur cette italianisation qui sera renforcée lors de l’arrivée au pouvoir de Mussolini. La domination Italienne à Kos se traduit par une volonté d’exploiter le potentiel commercial et agricole de l’île. Les Italiens décident aussi d’envoyer des colons pour lesquels nombre de bâtiments publics sont construits. Le grand séisme de 1933, qui fait plus de 200 morts et ravage une partie de la ville, conduit à excaver les territoires antiques des agora Grecque et Romaine  et les laisser à ciel ouvert sans reconstruire. Les italiens dessinent un nouveau plan de ville. La place principale est dotée d’immeubles témoignant de cette architecture italienne au style éclectique, art nouveau et typique des années Mussolini : le musée, la maison du fascisme, le marché couvert, et en descendant vers le port, la mairie. Côté mer, le grand quai Miaouli se pare d’immeubles luxueux : la maison du gouvernement, le tribunal, le palais du gouverneur, un hôtel de luxe, le cercle  des officiers, etc. Il est à noter que ce mouvement architectural Italien s’est manifesté dans la majorité des îles du Dodécanèse.

En 1945, Kos passe finalement sous administration Anglaise comme le reste du Dodécanèse. Après avoir hésité à en faire un état indépendant, l’Angleterre le restitue à la Grèce le 7 mars 1948.